
 Du « made in Europe » piloté par l’Asie
 Le premier bénéficiaire de la CSPE : EDF EN centrale PV de Toul 365 ha
 Et la suite de la rente qui se profile, avec le plein soutien de l’état
 Après de multiples problèmes de béton, les équipements. Aujourd’hui, le pont roulant au-dessus du réacteur |
2013 finit bien mal pour les énergies renouvelables en France.
• Le photovoltaïque est de nouveau en panne, tout au moins dans une grande partie nord du pays, moins ensoleillée. Les tarifs de rachat ont baissé exagérément et tout a été fait par le gouvernement pour gêner l’entrée des produits (panneaux et onduleurs) bon marché (et de bonne qualité) disponibles sur le marché mondial, grâce auxquels de nombreux pays, même nordiques, parviennent aujourd’hui à la « parité réseau » (le kWh PV produit chez soi au prix du kWh réseau). Ces dispositions étaient censées préserver une filière industrielle « française » face à un dumping chinois, mais les quelques entreprises françaises produisant encore des panneaux sont même aujourd’hui incapables de fournir des produits estampillés « made in Europe », plus chers que leurs concurrents mondiaux, mais bénéficiant de tarifs préférentiels de rachat. En effet, le « made in France », sauf produits « exotiques » très coûteux, est impossible, parce que nous ne produisons pas de capteurs/cellules PV. Les quelques producteurs résiduels de panneaux PV en France, en fait des assembleurs de composants, doivent s’approvisionner chez des fournisseurs de cellules européens, pour pouvoir prétendre au « made in Europe ». Ils le faisaient notamment auprès de la société allemande QCells, qui, suite à une faillite due à sa mauvaise gestion, a été rachetée par un Coréen et s’appelle donc désormais Hanwha QCells. Cette société vient de couper brutalement ses livraisons à ses clients/concurrents, notamment la société de Lannion, Sillia, qui jusque-là semblait s’en sortir à peu près. Adieu donc panneaux français « made in Europe », et s’ils reviennent (quand ?), ce sera plus cher. Si on calcule ensuite avec les coûts de raccordement et le tarif de rachat national indifférencié, on va monter encore moins d’installations de production photovoltaïque dans une très large moitié nord, partout où l’ensoleillement ne permet pas d’amortir l’investissement dans des délais raisonnables (disons de l’ordre de 10 ans.) Pour information, il s’est installé environ 50 GW de puissance PV dans le monde en 2013, dont guère plus de 0,1% en France…
• L’éolien est en panne, parce que, on l’avait oublié, l’arrêté tarifaire de 2008 est attaqué depuis sa promulgation et il est maintenant sous le coup d’une annulation qui va intervenir dans les prochaines semaines, avec la menace d’un effet rétroactif… C’est le cadeau de Noël du collectif Vent de colère, qui, avec la complicité de la nonchalance de l’administration française, a réussi son coup, au bout de cinq ans d’efforts. Une longue histoire, puisque l’arrêté de 2008 avait lui-même été pris suite à l’annulation de celui de 2006, sur action des mêmes. C’est une pure question de procédure durablement non respectée par la France. Si ce n’étaient les enjeux pour des entreprises et le système énergétique français, complètement à la traîne, on pourrait dire qu’il y a là du comique de répétition. Comment notre administration, la plus nombreuse du monde, et la plus qualifiée, n’arrive-t-elle pas à faire passer des arrêtés tarifaires bons du premier coup ? Nous allons en être au troisième épisode, alors que, pendant ce temps, l’Allemagne a réussi, avec une seule loi, EEG, datant de 2000, à installer 35 GW de capacité éolienne (France cinq fois moins). Il est vrai que les Allemands n’ont pas la chance d’avoir ein herrliches Kollectif « Wutwind », épaulé par un ancien président de la république et tout un aréopage tiré de nos élites. Mais surtout, on doit y revenir, plus de la moitié des éoliennes appartiennent à ceux qui habitent au pied. Le fond de l’histoire, c’est que tout est bon pour ne pas développer l’éolien terrestre en France. Il y a consensus de l’administration, qui déploie là toute son impéritie, des conglomérats dont les intérêts sont dans les installations de production concentrées (surtout, le moins de local possible), et des politiques, qui « comprennent » très bien les soucis des « industriels ». Mais attention, malheureux investisseurs : l’avis de la CJUE (cour de justice de l’union Européenne) ouvre la voie à l’obligation de remboursement des sommes indues… Egalement une petite incidente budgétaire « amusante » : la requalification par la CJUE de la CSPE en ressource d’état alourdit de 6 Mrd€ le poids de l’état sur l’économie : le taux de prélèvements obligatoires va ainsi, pour 2013 allègrement dépasser les 47%. Ce qui avait été évité avec les calamiteuses CVO (contributions volontaires obligatoires, votées par le parlement), que la CJUE avait, au mois de juin, exclues des interventions et ressources d’état.
• Pendant ce temps, la CSPE n’en finit pas de grimper (+ 22% au 1er janvier 2014), pour atteindre 16,5 €/MWh (au total environ 6,2 Mrd€ en 2014). Ceci sert bizarrement de prétexte aux anti-éoliens pour crier haro sur le baudet « éolien », qui coûterait de plus en plus cher et enrichit les riches investisseurs, sur le dos des malheureux consommateurs/contribuables (on ne sait plus trop). En fait, comme nous le détaillons plus bas, le prix moyen de rachat du MWh éolien s’établit, sur la durée des contrats, à 70 € (et non 82 €, qui est le prix maximum : voir sur ce sujet l’avis de l’ADEME de novembre 2013), soit 15 € au-dessus de ce qui est appelé le prix de gros, et 39 € en dessous du coût de production de l’EPR de Flamanville. En revanche, pour quatre fois moins de production, le photovoltaïque ramasse trois fois plus de CSPE que l’éolien (chiffres 2012), mais personne n’en parle, parce que le principal bénéficiaire (pour les 2/3, soit plus de 1 Mrd€par an) en est… EDF soi-même, par l’intermédiaire de sa filiale Energies Nouvelles. Alors, pas de « Soleil de colère »… o Sur la question du prix de rachat de l’éolien terrestre, il faut aller lire l’avis de l’ADEME de novembre 2013 consacré au sujet (cliquer ici) o Pour comprendre le détail de la CSPE et de son évolution, il faut se reporter à l’abondant mais très clair document du 18 novembre 2013 (cliquer ici) o Enfin, l’impact des projets pharaoniques de parcs éoliens offshore en cours sur la CSPE, pour environ 3000 MW, sera de l’ordre de 1,5 Mrd€ par an, soit sensiblement deux fois plus que celui de l’éolien terrestre, pour une production deux fois plus faible. Comme disait l’autre, chaque € prélevé sur la facture du consommateur ou le contribuable doit être le plus efficace possible… pour les conglomérats de l’énergie.
• D’ailleurs, EDF EN vient d’être condamné à 13,5 M€ d’amende, sur assignation par la société Solaire Direct, pour abus de position dominante : « EDF a créé une confusion dans l’esprit des consommateurs entre son activité de service public de fourniture d’électricité et l’activité de sa filiale photovoltaïque », explique dans un communiqué l’autorité de la concurrence. Aujourd’hui EDF EN prospère, aux frais du consommateur/contribuable, pendant que les entreprises engagées dans les projets de terrain soit ont disparu, soit, comme Solaire Direct, ont réussi à s’implanter sur des marchés étrangers, beaucoup plus accueillants et corrects (fair, comme disent nos voisins britanniques, c’est-à-dire sans tricheurs, ou avec moins…)
• Pour revenir à l’éolien, la palme de l’information revient à Jean-Michel Bezat, dans le journal Le Monde du 20 décembre. Reprenant les termes de François Hollande : « Je souhaite que les modes de soutien aux énergies renouvelables soient revisités de façon à ce que chaque euro prélevé sur la facture des consommateurs soit le plus efficace possible et favorise la création de champions énergétiques nationaux. », il écrit : « Ce que le gouvernement a fait pour l’éolien en mer, où il existe un tarif de rachat (environ 200 euros le MW) et une filière industrielle derrière Alstom et Areva. » Il est clair qu’il est beaucoup plus avantageux pour le consommateur d’acheter, contraint et forcé, de l’électricité à 200 €/MWh qu’à… 70 €. On vous fera gober n’importe quoi. Et nous attendons la révolte du collectif Vent de colère contre ces projets qui ont été « légalement » réservés aux conglomérats électriciens (EDF, GDF Suez, Iberdrola) et industriels français (les autres n’ont même pas essayé de présenter des dossiers), qui ont bien veillé à s’entendre sur leurs marges nettes (20% sur capitaux propres investis), dans le cadre non de tarifs réglementés, comme l’indique JM Bezat, mais d’appels d’offres pour les happy fews qui, bien sûr n’en ont jamais parlé entre eux… mais tous sont contents. Quant à la filière industrielle nationale, attendons la fin… Il y a bien loin des grandes annonces et des départs la fleur au fusil aux victoires attendues qui se transforment souvent en défaites cuisantes (voir l’expérience d’AREVA – déjà -, au début des années 2000).
• Enfin, pour couronner le tout, le fleuron de notre système énergétique, le réacteur EPR de Flamanville, n’en finit pas d’accumuler les retards et les surcoûts, pour tout un tas de raisons (travail clandestin entre autres), mais surtout à cause de malfaçons répétées, dont au moins certaines sont heureusement détectées par les organismes de contrôle. Le démarrage en 2016 risque d’être problématique, sauf, bien sûr, si, en haut lieu, on décide qu’il n’y aura plus de malfaçons… ou tout au moins de détections de malfaçons. Ils ont en effet tous en tête la menace : si le chargement du réacteur ne se fait pas avant le 10 avril 2017, le décret de création sera caduc, et toute une procédure sera à remettre en route. A ce moment-là, ni renouvelables, ni EPR, il y aurait quelques soucis… sur fond de campagne présidentielle.
Même les bons élèves de la classe, bon esprit, bien avec tout le monde, comme le CLER, commencent à s’émouvoir de la politique énergétique qui se dessine (en creux) dans le projet de loi de programmation de la transition énergétique publié le 11 décembre. En fait, c’est un grand trait tiré sur les quelques résultats du Débat National sur la Transition Energétique, auquel ces braves garçons étaient tout heureux qu’on leur ait proposé des strapontins… qu’ils ont occupé avec empressement. Nous sommes toujours, en France, sur la même rengaine : le tout renouvelable ça ne marche pas ; vive le nucléaire ! Qui pense vraiment que tous les pays européens qui vont à l’inverse partent dans le mur : Allemagne, Autriche, Espagne, Suisse, Danemark, Portugal notamment, qui s’attaquent aux problèmes de l’intermittence plutôt que de s’engluer dans ceux de la sécurité (hypothétique) du nucléaire. Pour la fin, une boutade « humoristique » de 2008, mais tout à fait d’actualité, de l’ancien président d’EDF, Marcel Boiteux, qui mit en branle, sous la présidence Giscard, tout le programme nucléaire (notre précédente transition énergétique). Il défend, avec l’ancien président et une pléiade d’hommes politiques et d’anciens hauts fonctionnaires, de concert avec le collectif Vent de colère, le bon peuple contre les méfaits de l’éolien. Ah, les braves gens ! Pour cela, il invoque « les spécialistes… qui savent comme une évidence que le Kwh [kWh, monsieur le Président. NDLR] éolien est de très mauvaise qualité, comparé au Kwh des centrales qu’on met en route quand on le veut. » Nous découvrons à cette occasion que ce grand commis de l’état n’est pas polytechnicien, mais normalien, mathématicien et économiste. Personne n’est parfait, et c’est sans doute pour cela qu’il a pu lui échapper que les centrales nucléaires ne se mettent pas en route quand on veut, sauf à l’avoir prévu des semaines à l’avance, et surtout qu’elles ne s’arrêtent pas quand on veut, comme l’a rappelé un désastre encore frais dans quelques mémoires, et, enfin, qu’il n’est possible de modifier leur puissance que très progressivement : on est à l’échelle de longues journées. Bref, tout l’inverse de l’éolien et des capricieuses énergies renouvelables intermittentes, mais pas mieux adapté pour faire face aux besoins de la consommation, qui peuvent varier fortement d’une heure à l’autre et d’un jour à l’autre. Honnêtement, à choisir, je préfère courir le risque d’être décapité par une pale d’éolienne voyageuse (ce qui ne s’est jamais produit), que de voir la vie de toute une région empoisonnée par un accident nucléaire (n’oubliez pas vos petites pastilles d’iode 127, à prendre… avant l’accident, de préférence… et distribuées cette année même à Brest autour de la base navale).
Heureusement, cela ne peut qu’aller mieux en 2014 : c’est notre vœu pour tous. |